J’en profite puisque s’est tenu à Nantes le FORUM MONDIAL DES DROITS DE L’HOMME du 16 au 19 mai dernier. 😉
Longtemps on nous a insufflé que le 21ème siècle serait une ère emprunte de philosophie, de sagesse… et plus nous avançons plus nous sommes témoins d’actes barbares menés au nom de la race, de l’ethnie, de l’identité ou de la religion qui démontrent une fois encore que nous n’avons rien retenu du passé. Loin de nous assagir, loin de nous accorder une conscience collective compréhensive et solidaire, nous continuons à nous « bêtifier ». Que ce soit en Europe occidentale ou de l’Est, nous sommes témoins aujourd’hui d’un repli identitaire, nationaliste et xénophobe. L’universalisme laisse petit à petit sa place à la préférence ethnique ou communautaire.
De tout temps la peur de l’étranger, le racisme, joue sur un fantasme, celui qui est différent voire invisible représenterait une menace, un danger qu’il faut asservir ou détruire… Il devient la cause imaginaire de toutes nos frustrations, de nos problèmes… Et quand cet étranger est un voleur, tous ceux qui sont « comme lui » le sont aussi… Et je ne vous parlerais pas de la discrimination longuement entretenue des roux ! Et oui c’est aussi une forme de rejet de l’autre ! Et tous ces préjugés vis-à-vis de ceux qui ne sont pas nous s’avèrent être plus proche de la maladie mentale que d’un quelconque conditionnement à travers les générations et les siècles !
Relevons tout de même la singularité de l’antisémitisme ! Si le racisme est apparenté à l’étranger comme menace venant de l’extérieur, l’antisémitisme s’apparente lui à une menace qui viendrait de l’intérieur, quasi invisible, d’où cette marque de distinction que fût l’étoile jaune pendant la seconde guerre mondiale. Il fallait identifier ces hommes, ces femmes, ces enfants si dangereux ! Est-ce là une pensée cohérente digne de notre soi-disant humanité ? Les peurs irraisonnées et les agressions qui en ont découlé durant tous ces siècles envers le judaïsme seraient-elles la résultante hautement symbolique des dix commandements formulés par cette religion que toutes les générations qui ont suivi ont cherché à transgresser ?
Bien avant les actes répréhensibles, le racisme débute par le langage. Le passage à l’acte trouve bien souvent son agrément dans les théories, les concepts de race. Le mot race apparaît en français au XVIème siècle. Au XVIIIème et XIXème siècles, les scientifiques cherchent à classer les espèces. Ainsi le naturaliste Georges Buffon pensait que le milieu, l’environnement et non la nature même de l’homme serait la cause d’une supériorité. Si Charles Darwin énonce l’idée que l’évolution des espèces, dont l’homme fait partie, se fait par la sélection naturelle, il n’en demeure pas moins qu’il ne fait pas de différenciation entre les peuples qui vivent sur ce bout de caillou !
Pierre Paul Broca, fondateur de la société française d’anthropologie, ainsi que Georges Vacher de Lapouge, sociologue, vont à partir de critères morphologiques classifier l’espèce humaine pour légitimer une supériorité européenne ! Et ils auraient mieux fait de s’abstenir… parce qu’à partir de là nous avons eut droit à la dérive idéologique que nous avons encore aujourd’hui bien ancrée… surtout chez nos chères petites têtes blondes, malgré les recherches en génétique qui ont permis de dire que le comportement des hommes s’avère être commandé par leur capital génétique et pas parce qu’ils appartiennent à une catégorie hiérarchique merdeuse !
Et bien que les scientifiques se soient mis d’accord pour dire que les races n’existent pas, le racisme perdure. Et cette idée imbécile n’a pas de frontières. Si l’homme blanc occidental est l’inventeur de cette théorie soi-disant scientifique et de sa mise en œuvre politique, on retrouve cette pourriture partout dans le monde ! Voilà, les hommes se mettent tous d’accord sur un point… il déteste leur voisin ! Elle est belle l’humanité, tiens ! Mieux encore ! Apparemment le fait d’avoir été soi-même victime du racisme de la plus atroce manière qu’il soit, ne favoriserait pas une sympathie certaine pour tous les êtres étrangers à sa communauté au vu de certains discours racistes existants en Israël ! !
Et ça ne date pas d’hier ! Au sein des sociétés primitives il existait déjà des préjugés culturels. En effet chaque ethnie cherchait à se valoriser et à dévaloriser les autres.
Dans l’antiquité, les individus [?allochtones] domiciliés en Grèce avaient le statut de « métèque », ce statut les privait de droits de cité. Sous prétexte que les grecs disposaient d’une langue qui aurait été établie par une origine divine, cette langue était considérée comme sacrée et donc forcément supérieure aux autres. Il est intéressant de noter que véhiculée par les écrivains et les orateurs latins, c’est toute la civilisation grecque qui s’était, à l’époque de l’empire romain, répandue dans de vastes espaces, avec la langue grecque comme modèle privilégié. Elle jouissait d’un tel prestige dans l’Antiquité que tout étranger qui parlait une autre langue y était traité de barbaros, « celui qui parle une langue incompréhensible », parce qu’en l’entendant parler on n’entendait qu’un bruit : : brbrbrbrbr !
On retrouve quand même une certaine ouverture d’esprit chez les intellectuels de cette période, ainsi Platon attribuait l’invention de l’écriture à un Dieu égyptien. Hérodote quant à lui était un grand admirateur des peuples noirs d’Ethiopie, et écrivait : « Les hommes y sont les plus grands, les plus beaux et y vivent plus longtemps« . Enfin Cicéron déclara que « Les hommes diffèrent par leur savoir, mais ils sont tous égaux pour leur aptitude au savoir. Il n’est pas de race qui, guidée par la raison, ne puisse parvenir à la vertu« . Seulement certains ne doivent pas être guidés de la meilleure manière !
Quant à Rome, elle ne se distinguait pas des autres sociétés antiques, qu’elles soient africaine, mésopotamienne, grecque, toutes ont pratiqué l’esclavage. Il n’y avait à l’époque pas d’autre source d’énergie que les hommes pour faire tourner l’économie. Bien avant que les guerres ne procurent des esclaves, ce sont des citoyens romains qui devenaient esclaves de leur débiteur. Il pouvait aussi s’agir d’enfants non reconnus ou vendus par leur père. Les enfants qui présentaient des déficiences physiques ou mentales ne naissaient pas libres et devenaient esclaves de citoyens déchus de leurs droits. Pour la petite histoire, César aurait ramené à Rome un million de Celtes durant la guerre des Gaules.
Mais ce qui fit le drame de l’Histoire de cette planète, ce sont les guerres et les massacres successifs perpétués au nom de la religion. L’identité chrétienne notamment s’est développée à partir du XIème siècle sous la forme de croisades contre les musulmans et de persécution contre les juifs.
En Occident, à la fin du Moyen Age, les papes et les conciles débattent de la question de savoir si les Africains, les Amérindiens et les Océaniens ont une âme ou non, comme ils l’avaient fait longtemps auparavant pour les femmes (Grrrrr ! L’ultime pouvoir celui de donner la vie a probablement perturbé certains hommes qui se pensaient être l’égal de Dieu ? ! D’ailleurs ne l’ont-ils pas usurpés par la force en s’octroyant le droit de vie et de mort sur leurs pairs ?). S’ils n’ont pas d’âme, ils ne sont pas humains et ils deviennent esclaves. S’ils ont une âme alors l’esclavage est tout de même autorisé à la condition que ces êtres soient exclus de la « vraie foi », voire l’esclavage peut être un bon moyen de les amener vers cette foi !
Mais il ne s’agit pas encore de racisme, car la menace n’est pas issue d’une ethnie ou d’une nationalité différente, mais d’une obédience religieuse différente.
Il n’empêche qu’en débarquant en Amérique, l’avidité des européens signera l’arrêt de mort du peuple indien. En les rencontrant, ces européens décideront au nom de l’idée que ces humains-là n’en sont pas, qu’ils ne peuvent être traités qu’en esclaves ou mourir. 1492 sera marqué par le premier génocide dans l’histoire de l’humanité ! Seul un homme, Bartolomeo Las Casas, un prêtre dominicain reconnaîtra l’humanité des Indiens, et sera par la suite appuyé par le pape Paul III. Mais cette décision n’aura que peu de poids face à la raison économique. Les Indiens sont réduits en esclavage dans les mines. Les massacres et les maladies importées par les conquistadors achèvent la destruction de ces populations et de leur civilisation.
La traite des africains vers l’Amérique va alors s’amplifier, puisque comme à Rome il faut des hommes, des esclaves pour faire tourner une économie. Et c’est au nom de leur statut de race inférieure, de sous-hommes qu’ils seront mis en esclavage. En 1685 est créé le Code Noir qui produit du droit pour ceux qui en sont totalement privés. Des intellectuels vont se révolter, tel que Condorcet qui écrira « l’intérêt de puissance et de richesse d’une nation doit disparaître devant le droit d’un seul homme« , ainsi que Vifville des Essars, un noble abolitionniste qui déclarera « une loi de sang, connue sous le titre de Code noir, va les [Noirs] descendre du rang d’homme, les vouer à une telle dégradation, qu’elle les incorporera à la terre; elle ne les considérera plus que comme des instruments de labourage. C’est sous l’empire d’une loi dont le peuple le plus sauvage aurait horreur, que les malheureux africains vivent dans nos colonies. » On estime à plus de dix millions le nombre de Noirs déportés depuis le XVème siècle. Trois millions d’hommes, de femmes et d’enfants périront pendant le voyage. C’est aux royaumes négriers du Bénin, du Dahomey, du Congo qui se sont approvisionnés au sein d’autres ethnies, que les Blancs se fournissent. Le continent africain aurait pu connaître un développement normal si elle n’avait pas été pillée puis colonisée.
En 1794 la convention abolit l’esclavage, mais le Code noir sera rétabli en 1802 pour finalement disparaître totalement en 1848 grâce à Victor Shoelcher, alors député de la Guadeloupe et de la Martinique. Malgré l’émancipation des esclaves après la guerre de Sécession, malgré les mouvements noirs américains dans les années 1960 de Martin Luther King, de Malcom X, des Black Panthers qui luttèrent pour faire reconnaître l’égalité des droits des citoyens noirs américains, le racisme toujours présent et les différences sociales continuent de marginaliser cette population.
L’Amérique aurait-elle oublié qu’à l’origine de sa richesse et de sa puissance, il y avait le travail forcé de ces millions d’hommes et de femmes, et que la conquête de ses terres fût gagnée au prix de l’anéantissement des tribus indiennes ? Le Nouveau Monde n’était pas un monde sans hommes, le Nouveau Monde n’était pas vierge de toute civilisation.
Même au sein du Vieux Continent, ce sont produits de telles exactions au nom d’une race noble et pure.
Arrivé au pouvoir par des voies légales, en janvier 1933 Hitler détruit aussitôt tout le système démocratique afin de gouverner par la terreur, la répression et la propagande. Cette même année, les juifs perdront leur droit politique, les personnes atteintes de maladies héréditaires seront stérilisées ainsi que les enfants métis nés de l’union de femmes allemandes avec des soldats noirs des troupes françaises d’occupation de la rive gauche du Rhin. Dès 1939 un programme d’euthanasie sera mis en place pour éliminer les malades mentaux. En septembre 1939, la politique d’extermination est entamée, l’élite polonaise est massacrée. Le gouverneur nazi de la Pologne déclarera « Aucun polonais ne doit atteindre un rang supérieur à celui de contremaître ». De 1942 à 1946 plus de cinq millions de Juifs et de Tziganes seront victimes du génocide organisé par les nazis. Pour eux, ces peuples n’avaient pas le droit d’exister. Certains hauts responsables nazis seront jugés par le tribunal international de Nuremberg entre 1945 et 1946. Pour la première fois est mise en place dans le droit la notion de crime contre l’humanité. Et cette humanité s’en passerait bien encore aujourd’hui ! Pour la première fois sera condamné un crime commis volontairement par un Etat contre des populations quel qu’en soit le motif politique, racial ou religieux.
Le racisme n’est malheureusement pas l’apanage de l’homme blanc occidental puisqu’il naît de l’identité tribale, nationale, culturelle ou religieuse au nom desquels les hommes se font la guerre et continuent d’exterminer ceux qui ne leur ressemblent pas.
Ainsi la barbarie systématique et organisée qui fût commiseau Rwanda n’a rien à envier des atrocités perpétrées par les Khmers rouges au Cambodge des années auparavant.
En 1948, la création de l’état d’Israël donnera naissance à une forme de colonisation dissimulée, aux yeux du monde arabe qui s’enracinera dans une extrême hostilité. Le fondamentalisme musulman va être favorisé par la révolution iranienne en 1979 et l’échec des modèles laïcs, tandis qu’un intégrisme religieux entretiendra le fanatisme politique de certains colons juifs en Israël.
Dans l’indifférence générale, en octobre 1950 l’armée chinoise envahit le Tibet pour des raisons économiques et stratégiques. Il s’agit aussi de faire disparaître cette civilisation qui défie ses voisins et le monde entier. La stérilisation des femmes tibétaines, la déportation de la population et l’implantation des chinois ont fait de ce peuple devenu minoritaire, un peuple étranger sur ses terres.
Enfin l’éclatement de la république yougoslave n’a pas eu d’autre objectif que la volonté du pouvoir serbe d’élargir son territoire qu’il considérait comme légitime.
La xénophobie d’aujourd’hui trouve sa source dans la crise sociale qui touche tous les pays développés. En France, après la seconde guerre mondiale, les entreprises ont eu besoin de main-d’œuvre bon marché. Avec le premier choc pétrolier en 1973 qui entraînera la chute de la croissance et la mort du plein emploi, c’est le commencement de la précarité de la cohésion sociale et de la marginalisation des jeunes issus de l’émigration, bien que français puisque nés en France. (Bien obligé d’appuyer la légitimité de leurs droits puisque certains n’ont encore pas l’air d’avoir capté !). Le souci c’est que ces problèmes d’ordre social risquent de fragiliser notre cohésion, nos valeurs républicaines au profit des intégristes de tout bord qu’ils soient néo-fascistes ou islamistes et au détriment de l’intégration de la majorité des immigrés d’origine musulmane en France. Bien au-delà du déni de l’autre, ne serait-il pas plus judicieux de débattre sur la manière de défendre nos intérêts communs ?
Le racisme a servi depuis trop longtemps aux intérêts de quelques-uns, à justifier les empires coloniaux et l’esclavage. Avons-nous oublié que des milliers d’hommes venus de ces mêmes colonies se sont battus aux côtés de nos grands-pères et arrière-grands-pères pour libérer l’Europe de l’infamie ? Ils ont aussi contribué à la construction de l’histoire de ce pays.
Les injustices sociales et économiques, l’ignorance, les peurs injustifiées, notre incapacité à reconnaître et regretter les forfaits de nos pairs dans le passé, tout cela concourt au racisme ambiant. Nous nous concentrons sur le mal que pourrait nous infliger l’autre. Nous jugeons sans nous remettre en cause. Nous avons oublié de prendre conscience de nos actes. Nous avons oublié que nous avions le devoir de les assumer et non d’en faire porter la responsabilité aux autres. C’est peut être par-là que commence le courage. Mais nous continuons stupidement à penser que nous valons mieux que notre voisin. Pourtant de quel droit touchons-nous à la dignité de l’autre ? Il en va du respect que nous portons à l’humanité. Il en va de sa survie.
A chaque homme qui meurt au nom de préjugés, c’est l’humanité entière que nous continuons de tuer.
«passant qui t’émerveille devant les ruines de Rome, aie une pensée pour ceux qui ont bâti la Ville et qu’on appelait » le bétail parlant « …»
http://www.unhchr.ch/french/hchr_un_fr.htm
Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme
http://www.multimania.com/frater
Fraternité sans Frontières
Groupement de lutte contre les discriminations
http://www.survival-international.org
Association internationale de défense des peuples indigènes
Excellents articles où l’on apprend beaucoup de choses sur l’histoire de la lutte africaine pour recouvrer leurs libertés et ses personnages illustres : Harriet Tubman (1820-1913), libératrice d’esclaves, Frederick Douglass (1818-1895), esclave autodidacte devenu consul des Etats-Unis…
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