Mon dieu ! ! Au secours ! ! ! Je devais vous parler de la Capoeira ! ! Pour les puristes je préfère m’excuser de suite… Je ne connais rien à cet art, et il a fallut que je potasse dur pour vous pondre cet article ! ! ! J’espère que vous ne serez pas déçu(e)s !


L’origine de la Capoeira

Technique africaine de combat à mains nues, la Capoeira remonte au début du siècle dernier, sa rythmique et ses techniques de feintes entre autres sont empruntées par les esclaves, pour la plupart, originaires d’Angola.

A la seconde moitié du XVIème siècle, est fondée Sao Salvador (Salvador de Bahia) par les colons portugais. Elle deviendra la capitale du Brésil. Durant deux cents ans, ce nouvel état participera au commerce d’esclaves en important des Africains provenant surtout d’Angola, du Mozambique et de Guinée. Exploités dans les champs de canne à sucre du Nordeste, ils seront aussi utilisés dans les mines du Minas Gerais et dans les plantations de café du Sud du pays. Parqués dans des baraquements insalubres appelés senzalas, ils seront victimes de la promiscuité, du manque d’espace, de la violence et des humiliations au quotidien. Les journées aux champs ou dans les mines sont rythmées par les coups de fouets parfois mortels infligés par les maîtres portugais. La possession d’armes leur étant interdite, ils développent alors pour se protéger et se défendre contre leurs oppresseurs un art de combat dont ils empruntent les mouvements à des danses rituelles aux origines africaines basées sur l’observation des animaux. Ils s’enseigneront mutuellement leur savoir et inventent une technique de guérilla. Alors que les blancs avaient développés des techniques de combat utilisant les bras et les poings, eux feraient grand usage de coups de pied. Il y aurait une hypothèse selon laquelle la Capoeira se serait développée dans les clairières à proximité des senzalas. « Capoeiragem » en brésilien désigne ces lieux.

La Capoeira apparaît dans les registres de la police de Rio de Janeiro en 1780 et cette pratique de combat trop efficace à leur goût inquiéta les autorités de l’époque. Les Portugais se méfiant de ces entraînements auxquels leurs esclaves se livrent, interdisent cette technique de combat et organise des expéditions à la recherche des fugitifs… Ceux qui sont pris à pratiquer cette technique sont, tout simplement, tués sur-le-champ ou gravement mutilés. La Capoeira disparaît alors totalement de l’espace public. C’est alors que les esclaves ont l’idée d’exécuter ces mouvements sous l’apparence d’une danse. Elle réapparaît accompagnée d’instruments de musique et de chants. Certains rythmes joués au berimbau, l’instrument principal de la Capoeira, préviennent les participants que leurs maîtres approchent et les esclaves se mettent à utiliser des mouvements plus souples, plus proches de la danse que du combat.

C’est la naissance officielle de la Capoeira.

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Entre 1864 et 1870, lors de la guerre qui opposa le Brésil et l’Argentine au Paraguay, capoeiristes, combattants efficaces et courageux, sont envoyés en première ligne pour défendre le pays. La reconnaissance de leur héroïsme durant ce conflit fût de courte durée car une fois la victoire digérée, la Capoeira est à nouveau censurée. Mais dans les esprits, elle devient synonyme de liberté.

Le trafic d’esclaves s’étant intensifié, la population noire et métisse du Brésil est de loin supérieure à la population d’origine européenne. Le mouvement abolitionniste prend de l’ampleur et les émeutes sont de plus en plus fréquentes. Le 13 mai 1888, l’abolition officielle de l’esclavage est proclamée. Des millions d’esclaves libérés découvrent alors une autre forme d’oppression : la misère humaine et la pauvreté au sein de leur communauté. Mis au ban de la société, sans emploi, les utilisations dénaturées de la Capoeira ne vont qu’en s’amplifiant. Vols, cambriolages, affrontements avec les forces de l’ordre ne feront qu’associés la Capoeira aux crimes, au banditisme et vagabondage perpétrés par ces bandes organisées.

En 1890, la Capoeira est officiellement interdite.

A partir des années 30, lorsque fût institué l’Etat Nouveau, le Brésil passa par une phase de nombreuses transformations politiques, culturelles et sociales où la modernisation était inévitable ; c’est en 1936 que surgit l’opportunité pour Mestre Bimba de faire connaître son style de Capoeira aux classes privilégiées de la société. Il organisa la première démonstration publique de son travail, et un an plus tard, il fut invité par le gouverneur de Bahia de l’époque, le Général Juracy Magalhães à faire une représentation au Palais du Gouvernement où était présents plusieurs membres de la haute société. C’est ainsi que la Capoeira Regional fut reconnue comme sport national pouvant souder la population et renforcer l’identité nationale d’un pays tout neuf. Mestre Bimba obtint, du Secrétariat de l’Education et de l’Assistance Sociale, le titre de professeur d’éducation physique et son académie fut la première légalement reconnue.

La Capoeira a survécu dans la clandestinité aux répressions dont étaient victimes ceux qui la pratiquaient. L’histoire de cet art martial à part entière nous force à se souvenir de ceux qui ont lutté pour gagner leur liberté.

Deux écoles : Capoeira régionale et Capoeira Angola

Il existe principalement deux écoles, l' »Angola » et la « Régionale », qui se différencient notamment par le rythme des musiques et le parti pris spectacle/danse ou combat de rue.

Alors que les arts martiaux asiatiques sont basés sur des règles rigides, la Capoeira se caractérise d’abord par l’esprit d’improvisation, les feintes et le sens du rythme. Les capoeiristes forment une grande famille, mais le professeur reste le maître, et on lui doit obéissance et respect.

Il existe plusieurs formes de Capoeira : la Régionale (version rapide), l’Angola (version lente), la Stylisée (version inspirée des rues), l’Acrobatique… Les méthodes enseignées varient souvent d’un « maître » à l’autre, selon le style d’école dont le professeur est lui-même, issu.

Dans les années vingt, Manoel do Reis Machado, dit Mestre Bimba (1900-1974), crée la « Capoeira Regional », qui se distingue de la « Capoeira Angola » et dont le père fondateur est Vicente Ferreira Pastinha, dit Mestre Pastinha (1889-1982).

La Capoeira Regional

Ce fût à partir de la Capoeira Angola que Mestre Bimba (Manoel dos Reis Machado) créa la Capoeira Regional. Il ajouta plus d’agilité dans les mouvements de la Capoeira Angola, car il voulait voir un jeu festif, acrobatique et agile. Il y apporta également quelques influences du « batuque », une danse africaine dont son père, Luiz Cândido Machado, était champion, et créa la « lutte régionale bahianaise », premier nom de la Capoeira Regional. Il intégrera également des mouvements venus d’Asie qu’il avait appris auprès des marins rencontrés sur le port. Ainsi les techniques du Karaté et du Jiu-jistu structurèrent les mouvements et le rythme musical devint plus rapide.

A ses débuts, la Capoeira regional bahianaise n’était pratiquée qu’à Salvador de Bahia. Pour faire connaître son art, Mestre Bimba parcourut le Brésil du Nord au Sud et d’Est en Ouest afin de se mesurer à d’autres pratiquants. Mestre Bimba exigeait que le futur capoeiriste soit inscrit à l’école et qu’il présente son bulletin scolaire, ou bien que ce soit un travailleur régulièrement muni d’une carte de travail dûment signée. C’était l’unique moyen de prouver que la Capoeira regional n’était pas une pratique marginale, qu’il y avait là des personnes honnêtes, travailleurs ou étudiants. Son enseignement se développa alors, aux quartiers, aux universités et autres institutions publiques, sans avoir à souffrir des réactions des moralisateurs de l’époque.

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La Capoeira Angola

Contrairement à la « Capoeira Regional », la « Capoeira Angola » est restée beaucoup plus proche de celle que pratiquaient les esclaves.

Mestre Pastinha est à l’origine de la création d’une école qui s’appuie sur les anciennes traditions : un jeu au ras du sol sur une musique aux rythmes lents.

En 1941, Mestre Pastinha ouvra lui aussi une académie, contribuant ainsi à l’institutionnalisation de cet art. C’est à lui que l’on doit les couleurs jaune et noire comme symboles de la Capoeira. Enfin, c’est avec la « Capoeira Angola » que l’orchestre qui accompagne le jeu, intègre les différents instruments qui sont encore utilisés aujourd’hui.

Les rivalités entre l’Angola et la Regional

La différence entre Angola et Regional est la lenteur et l’agilité de mouvements, le rythme du berimbau, quelques mouvements, le style de jeu, la philosophie de l’enseignement, la ronde de représentation publique… Des différences purement techniques.

Pourtant au Brésil, il existe des groupes de Capoeira dans lesquels les Mestres incitent leurs élèves à la rivalité entre « Regionais » et « Angoleiros », entretenant une polémique permanente pour savoir lequel est le meilleur et poussant les élèves des académies ou groupes de « regionais » et « angoleiros » dans des affrontements qui mènent parfois à la mort.

De l’esprit souillé d’un « mauvais Mestre » peut naître « un mauvais disciple ».
Le capoeiriste [brésilien] doit garder en tête que la Capoeira est Capoeira n’importe où, qu’elle soit Angola ou Regional, et l’important est de pratiquer.

« Si c’est pour montrer au touriste, fais un beau « floreio », si c’est pour enseigner, fait ton possible pour devenir Mestre. Joue juste, pour « de vrai ». Mais, si c’est pour provoquer la confusion, reste chez toi et dors encore un peu. »

Règles, Roda, Grades

C’est en partie grâce aux premiers grands Maîtres que la Capoeira a pu être reconnue par les autorités brésiliennes. Le Mestre, c’est-à-dire le Maître, est celui dont la pratique est suffisamment ancienne et les connaissances suffisamment complètes pour pouvoir enseigner à son tour. capo.jpg Le Mestre, en plus de connaître tous les mouvements d’attaque et de défense, doit être un bon musicien capable de fabriquer lui-même ses instruments.

IE ! C’est le cri annonciateur du début et de la fin de la roda que pousse le leader de la ronde.

La roda, cercle qui rassemble les capoeiristes, confère à ce sport artistique une atmosphère emprunte d’une ferveur et d’une spiritualité qui rappelle le rituel. La Roda est à la Capoeira ce que le dojo est au Judo.

L’ensemble des capoeiristes participant au jeu forme une ronde. Tous ont un rôle à tenir, qu’ils soient à l’intérieur ou à l’extérieur du cercle ainsi dessiné.

A l’intérieur deux capoeiristes jouent. Ils ont à leur disposition tout le panel de leurs coups et des ruses qu’ils ont pu apprendre. Ils doivent par dessus tout comprendre leur partenaire. La qualité de la prestation dépend de la relation qu’ils auront su créer avec leur partenaire.

A l’extérieur du cercle, les musiciens ouvrent et rythment le jeu. Les autres regardent les joueurs au centre de la Roda, et les encouragent en frappant des mains et en chantant.

Entre l’intérieur et l’extérieur du cercle, les échanges sont nombreux. Si le jeu est bon, les chants appelés « La Chula » et les claquements de mains vont se faire plus fort, la cadence de la musique va s’accélérer du coup, les joueurs vont chercher à en faire plus. Une osmose se crée entre le centre et l’extérieur de la Roda. Chacun peut entrer dans le cercle et remplacer un des deux joueurs pour se mesurer à l’autre.

L’entrée et la sortie des capoeiristes sont soumis à des règles. Chaque fois qu’il sort ou qu’il rentre du cercle, le capoeiriste doit faire ce que l’on appelle « le respect ». Celui qui entre s’interpose entre les deux joueurs présents et fait face à celui avec lequel il veut jouer. L’autre se retire. Le nouveau venu attend la décision de son adversaire de commencer le jeu. Ce dernier peut prendre le temps de reprendre son souffle avant de reprendre. Pour ceci, il marche le long du cercle, et l’autre fait de même. C’est celui qui vient de jouer qui décide de l’opportunité de reprendre le jeu. Au premier jeu de la Roda les deux capoeiristes font le respect puis se serrent les mains avant de se lancer sur l’aire de jeu en profitant de ce moment pour réaliser quelques figures acrobatiques (Macaco, Au, Chango…).

La Roda représente cet ensemble d’éléments liés les uns aux autres, ils ne peuvent être séparés.

Les grades de Capoeira sont identifiés par la couleur de la corde à la taille du capoeiriste. Les couleurs et leur ordre de graduation diffèrent selon les groupes, puisqu’il n’existe pas de nomenclature officielle en Europe.

L’ordre de grade généralement respecté par la plupart des groupes de Capoeira et que l’on peut considérer comme reconnu (ci-dessous).

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Echauffement et techniques

Il existe une technique de la Capoeira, support indispensable à une bonne préparation physique pour la souplesse, la vigueur, l’agilité, l’équilibre, l’endurance et le rythme du corps.

Technique des mouvements:
Mouvement des animaux – « floreo » (macaques, félins, reptiles). Mouvements et déplacements au sol. Mouvements et déplacements à mi – hauteur. Mouvements et déplacements à partir de sauts et d’acrobatie.

La « ginga « , mouvement de base:
La ginga, pas de base, permet le déplacement dans l’espace en rythme et de façon continue, et c’est à partir de ce pas que se font les coups de pied, les sauts et mouvements au sol.

L’équilibre:
Équilibre statique. Équilibre dans le mouvement. La récupération de l’équilibre à partir du déséquilibre.

La malice et la  » mandiga « :
Ce sont les artifices, les stratégies, les « combines  » imaginés pendant le jeu pour distraire le partenaire et le conduire où l’on veut. C’est ici que se développe toute la théâtralité du jeu, que se construit le vocabulaire gestuel de chacun.

La musique et le chant:
Initiation aux instruments Travail sur le rythme et les chœurs L’échauffement corporel sera soutenu par les rythmes des deux percussions principales de la Capoeira : le bérimbau et le pandeiro.

Les rythmes

Chaque rythme est différent et correspond à un enchaînement de mouvements : « la danse à faire tomber », « la danse au sol »… Par ce biais, les musiciens influencent la rencontre entre les deux capoeiristes, la rendent agressive, calment le jeu ou décident de la fin du combat.

On utilise couramment surtout six rythmes, les autres appartiennent au folklore traditionnel. Il faut préciser que les rythmes de la Capoeira ne sont pas uniformisés et portent des noms différents selon les écoles, les styles et les époques…

Les instruments

La musique qui accompagne les combattants puise dans les rites traditionnels afro-brésiliens. On pourrait croire à une danse mais cette impression est très vite démentie par les coups de pied qui frôlent le partenaire sans jamais le instruments.jpg toucher, le déstabilisent sans l’agresser, le taquinent, le narguent.

Les participants doivent faire preuve de rigueur, de concentration tout en laissant leur imagination improviser et surprendre l’assemblée.

L’orchestre d’instruments qui offre à la Capoeira cet air de fête rituelle est composé comme suit :

 Le berimbau, qui servait à l’origine à avertir les combattant des arrivées inopportunes, est constitué d’un arc de bois (biriba) et d’une calebasse, on joue avec une baguette et une pierre (ou pièce de métal), avec laquelle on produit les différents sons qui forment les rythmes.

 L’atabaque est ce long tambour à peau qui apporte le son de basse dans l’orchestre. Il est comme l’agogô, un instrument du Candomblé ( Macumba ou Vaudou Brésilien…).

 Le pandeiro est un tambour sur cadre recouvert d’une peau fine. De petites cymbales sont disposées sur le bord de l’instrument. On le tient d’une main et on réalise avec l’autre, différentes notes en fonction des positions de la main. Les claquements alternent aux notes toniques et un mouvement de poignet, dans lequel on utilise beaucoup les doigts, qui permettent de jouer une rythmique très spécifique du pandeiro qui soutient le rythme.

 L’agogo est une double cloche également utilisée traditionnellement dans les percussions africaines, afro-cubaines, péruviennes…etc. Cet instrument est un élément indissociable des cultes Vaudou qui ont traversé l’Atlantique avec les esclaves.

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La Capoeira est pratiquée au Brésil depuis plus de quatre cents ans. Anciennement cachée aux blancs, la Capoeira est devenu un sport très populaire par-delà les frontières.

Les deux écoles « Angola » et « Regional » s’influencent et s’enrichissent mutuellement. L’endurance et le sens du rythme, la souplesse et la vigueur sont les qualités requises pour approcher cette pratique millénaire. Elle mêle et confond le sport, l’art, la danse et le rituel. Même si la Capoeira est à la fois une lutte où le corps devient une arme redoutable, il n’est pas question ici de gagner des points c’est un jeu au cours duquel les participants rivalisent avant tout d’adresse, d’élégance et de malice.

Un jour on demanda à Pastinha : « Qu’est-ce que la Capoeira ? ».
Le vieux maître répondit sous forme de chanson : « La Capoeira est un jeu, un jouet. C’est respecter ta peur, bien doser ton courage, c’est un combat, c’est le plaisir de l’élégance, de l’intelligence, c’est le vent dans la voile, un gémissement dans la Senzala, un corps qui tremble, un berimbau bien joué, l’éclat de rire d’un enfant, le vol d’un oiseau, l’attaque du serpent corail, le goût du danger dans la gorge, c’est rire devant l’ennemi en agitant la main (…). C’est se relever de sa chute avant de toucher le sol, c’est la haine et l’espérance, le coup porté au visage qui blesse le cœur, c’est aussi relever un défi, avec la volonté de combattre (…) ».